Depuis les fameux évènements de décembre 2010 et janvier 2011, en Tunisie, et qu’on s’obstine à appeler « révolution », mot que je pourrais accepter si on sous entend sa définition Astrophysique, à savoir le retour d’un astre au même point de départ, on n’a cessé de nous caresser dans le sens du poil en nous parlant d’une deuxième république alors qu’on finira par avoir la troisième république (CQFD : République dans le dictionnaire Arabo-Islamiquo-Tunisien est nom féminin désignant une dictature qui ne s’assume pas en tant que tels). Quelques agressions et péripéties plus tard, nous avons été appelé à découvrir « le brouillon de constitution » (pour une fois l’expression porte bien son sens premier) qui nous a coûté, tout de même, une fortune et demi, toutes devises confondues.
Comme tous mes (con)citoyens, j’ai considéré que le sacrifice de perdre mon temps à me torcher la cervelle avec le fameux document ne valait rien comparé à ceux qui ont sacrifié leurs vies pour qu’il soit rédigé. Perdu pour perdu, dans le cadre de mon initiation à un nouveau rituel maçonnique (tous les opposants, en Tunisie, sont diabolisé par la qualification « francs maçons » comme si on était sous le régime de Vichy) qui porte sur le masochisme, je vous rends mes notes et commentaires sur ce que j’ai pu découvrir et, surtout, ressentir en lisant ce torchon :
- Le préambule de constitution est un mélange de populisme et démagogie avec un massacre de la civilisation Tunisienne qui se définit par, selon nos chers constituants ; le mouvement réformateur « islamique » (le reste qu’est ce qu’on s’en fout) et des acquis de l’humanité (Berbères, Carthaginois, Romain, … vous n’êtes qu’un détail qui a duré, tout de même, 1700 ans). Le préambule, à lui seul, pourrait être fatal pour un juriste cardiaque. On y parle des objectifs de cette constitution (non vous ne rêvez pas, ce n’est pas une étude de projet qu’on présente pour l’obtention d’un prêt bancaire), de la position vis-à-vis des mouvements de libérations, dans le monde, et d’union maghrébine et arabe (on a révolutionné la roue et elle a une forme triangulaire) le tout à la sauce populiste préparée avec des termes tels que « les acquis de la révolution, l’égalité sociale et régionale, … » qu’on a du utilisé à des fins commerciales.
- La section « valeurs générales » :
- Article 1.4 : l’esprit général de l’article donnerait « l’état protège la religion et le sacré ». Ce que je regrette c’est la partie manquante de cet article « le gouvernement est constitué des ministres de Dieu dont le chef n’est autre que l’ombre de Dieu sur terre »
- Article 1.10 et Article 1.11 : ce sont les deux articles qui m’ont le plus choqué vu qu’on y cite les droits de la femme et des personnes aux besoins spécifiques. Une démocratie athénienne à l’aube du IIIème millénaire où l’on reconnait plus « les citoyens » comme un terme générique désignant à la fois les hommes, les femmes, les enfants, les handicapés, … mais comme étant un terme désignant « les mâles en bonne santé » et que les autres ont un statut différent qui devait être cité dans des articles différents.
- La section « droits et libertés » :
- Article 2.3 : « l’état incrimine toute atteinte au sacré religieux ». Avant de rentrer dans le fond de l’article, commençons par la forme ; Seul le sacré « religieux » ne peut être atteint, c'est-à-dire une mosquée profanée est un crime condamné par la constitution alors qu’un centre culturel (sacré pour un intellectuel ou un homme cultivé) incendié et détruit est un crime de moindre gravité. Revenons au fond du sujet qu’est la citation du sacré religieux sans le définir ou même sous entendre qu’il sera définit par un texte de loi. En règle générale, les termes génériques qui peuvent laisser cours à l’imagination de celui qui les interprète sont définit par des textes de loi rédigés à l’occasion (exemple : l’article 1.2 qui parle du droit à la vie qui ne peut être atteint que dans les situations « définies par la loi » et donc il y a un texte de loi qui servira de référence pour juger si oui ou non il y a eu atteinte au droit à la vie). Par ce fait et si l’article sera adopté on sera à la merci des fondamentalistes qui pourront nous interdire tout et n’importe quoi par une simple Fetwa.
- Article 2.15 : le droit à la grève est soumis à des conditions, rationnelles à première vue, génériques et sujettes à diverses interprétations, dans la forme, partant d’une mauvaise intention d’interdire « constitutionnellement » le droit à la grève, dans le fond.
- Article 2.16 : l’article conditionne l’accès à l’information, non pas par le droit à la vie privé et la protection des données personnelles ou la confidentialité de l’information, mais, par l’atteinte à la sureté d’état. C’est justement le même argument que Ben Ali a utilisé pour justifier des années de censure.
- Article 2.21 : En plus de transformer l’état en agence matrimoniale « veillant à faciliter le mariage » (c’est l’expression exacte utilisée, non pas dans le règlement général d’une association ou le cahier de charges d’une agence matrimoniale, mais dans nue constitution), on ne trouve aucune nuance donnant référence aux droits des mères célibataires. Loin de juger si c’était par erreur ou par choix qu’elles le sont devenues, ces mères avec leurs enfants constituent des familles où on ne peut « œuvrer à lui permettre d’accomplir son rôle dans le cadre de l’égalité entre les deux parents » (le texte ne prévoit pas l’absence d’un des parents pour n’importe quelle raison)
- Article 2.28 : Cet article a été sujet à débats depuis les fuites qu’on a eu à son sujet et il ne cesse de l’être, d’ailleurs, et il mériterait à lui seul une chronique.
- Article 2.30 : « l’état protège les handicapés de toute forme de ségrégation » et bien c’est déjà fait vu que l’état les qualifie de « handicapés » au lieu de parler de « protection des citoyens de toute forme de ségrégation »
- La section « le pouvoir législatif »
- Article 3.30 : L’immunité des députés contre les poursuites judiciaires pour crimes ou autres est un principe que je n’admettrais pas dans ce qu’on appelle un état de droit. De plus immuniser un « législateur » contre les poursuites pour non respect de « la loi », ça en boucherais un coin à Descartes.
- Les autres articles sont une preuve formelle que les débats entre les partisans du régime parlementaire et ceux du régime mixte finiront par nous pondre un régime semi-merdique.
- La section « le pouvoir exécutif »
- Article 4.46 : On identifie très bien les trois catégories de députés qu’on a choisit pour gribouiller une constitution : Les cons et fiers de l’être, Les cons qui ne s’assument pas et les autres. Ceux qui croient qu’en n’exigeant que l’Islam comme clause pour se présenter à la course pour la présidence (peu importe du sexe) doivent penser qu’ils sont des ultra progressistes, alors qu’ils ne sont pas moins pourris dans leurs tête que ceux qui exigent, en plus, que ce soit un mâle (la preuve irréfutable de l’animalité des origines de l’homme ; dans une meute ou horde, chez les animaux, il y a toujours un mâle dominateur)
- Article 4.61 : si on adoptera la seconde forme (la première dans le tableau) où le premier ministre récupère la présidence de la république « sans durée limitée » et sans avoir l’aval de la cours constitutionnelle, le régime ne sera ni parlementaire, ni présidentiel, ni mixte, mais, un régime Benaliste pur !
- La section « le pouvoir judiciaire »
- Article 5.18 : Une cours constitutionnelle élue (12 membres parmi 24 dont 16 sont choisis par ceux qui gouvernent. C’est justement pour cette raison que je ne regretterais jamais d’avoir choisit le boulot d’informaticien pour ne communiquer qu’avec les machines ; C’est nettement plus constructif) par les membres du parlement qui devront se soumettre aux décisions de cette cours. C’est un peu comme si les employés élisaient leurs patrons. Autant changer son appellation et au lieu de parler de « cours constitutionnelle » on nommera le « syndicat parlementaire »
- La section « le pouvoir régional »
- Article 6.1 : L’organisation administrative évolutive et extensible est une voie libre devant toute bureaucratisation des procédures et prise de contrôle de l’état par la base en évitant d’attendre les élections. Pour mieux comprendre ce concept, il suffira de voir ce qu’a fait Ennahdha, dernièrement, dans l’affaire des collectivités locales et régionales.
- Article 6.7 : Le clientélisme ne sera plus un mode de gouvernance, mais, une institution constitutionnelle. On sera à l’image de l’Italie qui pour des raisons électorale ne cesse de pomper de l’argent dans les caisses des collectivités du sud du pays (les plus peuplées et les moins productives).
- La constitution Tunisienne, devrait être la première constitution à avoir son propre « épilogue ». Dans le respect de la tradition de la collection Arlequin (La seule place que mériterait cette dite constitution), un épilogue vient clore cette tragédie et nous imposer, dès lors, une dictature législative et constitutionnelle qui se soucie beaucoup plus des amendements constitutionnels qui touchent à la religion d’état (au XXIème siècle) que de ceux qui risqueraient de mettre en péril l’indépendance de la justice, par exemple. L’épilogue est, sans doute, la raison finale qui poussera qui conque à ne plus relire cette constitution.
Après avoir donné mon avis sur les détails de ce brouillon, je vais essayer de citer brièvement des remarques générales :
- Une constitution à plus de 100 articles est la preuve que des vrais amateurs ont fait tout le travail.
- Une constitution à l’ère des nouvelles technologies et qui ne fait, nullement, référence aux droits et devoirs électroniques des citoyens n’est qu’un remake d’un film de science fiction des années 60 avec les mêmes effets spéciaux.
- Au vu des différentes propositions, je doute fort que le 23 Octobre 2013 (même pas 2012) nous aurions un texte final à soumettre à un référendum.
J’emprunterais une réplique à Jacques de Molay pour exprimer ce que j’ai sur le cœur, alors que la colère m’embrase de l’intérieur :
« Roi Marzouki, chevalier Ben Jaafar, pape Ghannouchi, avant le 23 Octobre 2012 je vous appelle à comparaître devant le tribunal du peuple pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Vous serez tous maudits jusqu’à la treizième génération de votre race ! »
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