Ceci est une histoire que j’écris suite à une agression subie, près de chez moi, le 4 Mai 2011, à un endroit bourré de commerçants, au moment où ils étaient tous ouverts et que les gens n’avaient pas encore déserté les rues. Cette regrettable expérience m’inspire ce texte ; un récit choquant, pour les âmes sensibles et pour les esprits candides qui continuent à croire au baratin politique populiste sur la conscience du « peuple » et sa maturité pour se porter candidat à la « citoyenneté » et la dignité. Je tiens, surtout, à rappeler que la réalité est parfois plus choquante que ce que j’accoucherais, qui n’est forcément pas la réalité.
L’histoire se passe dans une banlieue de la capitale, à quelques centaines de mètres d’une administration tunisienne de très haut niveau, de nuit, dans une cité assez peuplée, aux abords d’une artère principale très mouvementée.
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Je suis un habitant de cette citée depuis quelques mois. Ce quartier m’a été déconseillé, par plusieurs connaissances, de vue son caractère populaire, mais, ma bourse ne me permettait de trouver un logement aussi décent dans un quartier plus select. J’ai pris l’habitude de ne sortir la nuit, sauf en voiture en prenant garde de me stationner le plus proche possible de ma destination. Ce soir là, j’ai conduit ma bagnole jusqu’au bureau de tabac ; Le bureau de tabac n’avait rien en commun avec ceux de là où je vivais, avant, si ce n’est les paquets de clopes disposés en colonnes derrière le vendeur. En effet, le local est si étroit et on ne trouvait dans ce petit commerce autre que des cigarettes, des journaux tunisiens et des féculents qu’il livrait à travers la petite fente dans le grillage métallique dont il a fait une vitrine pour son commerce et qui le protégeait des saoulards et drogués qui rodent, de temps à autre, dans le coin. J’ai demandé, au jeune homme, des bondes américaines, en lui passant l’argent par la fente, quand parvinrent à mes oreilles les cris de quelqu’un qui demandait à ce qu’on le relâche. J’ai gardé ma main tendu à l’attente de ma marchandise en tournant ma tête pour voir ce qui se passait de l’autre côté de la rue, le cœur battant, craignant d’être en danger, damnant le jour où j’ai commencé à fumer. J’ai vu ce jeune inconnu, malmené par un groupe de jeunes voyous, se débattant pour leur échapper, devant une épicerie. J’ai couru vers ma voiture pour m’y enfermer. J’ai démarré le moteur, mais, je suis resté là planté, assistant à la première agression du genre depuis que j’ai déménagé, prêt à mettre les gaz à tout instant. Il était tout à fait évident que cette victime n’avait pas cherché la bagarre avec ces gens là qui le dépassaient en force et nombre, mais, je lui reprochais d’avoir osé sortir, en cette heure relativement tardive, dans un tel quartier, même pour aller chercher à manger ; après tout, personne n’est mort pour avoir manqué le diner. Au risque de paraitre paranoïaque, je suis quelqu’un de très prudent et ce depuis toujours ; Déjà que j’évitais, avant le 14 Janvier 2011, les émissions de débats avec les opposant de l’ancien régime et les sites d’informations qui critiquaient ses agissements. Il m’était arrivé de supprimer quelques personnes de ma liste d’amis sur Facebook, quand ils ont commencé à trop jaser. D’ailleurs, qu’est ce qu’ils en ont gagné ? Traîné dans les sous sols du ministère de l’intérieur à subir des interrogatoires musclés ! … Soudainement, les choses ont tourné au vinaigre ; Un membre du groupe a entouré le cou de l’agressé avec son bras et a commencé à le pousser, alors qu’un autre le tirait par son pull, pour que ses cris commence à s’étouffer derrière le mur de l’épicerie … J’avais pitié pour lui, j’aurais aimé l’aider. « S’il lui était destiné de s’en sortir, il s’en sortira sans mon aide », j’ai murmuré en démarrant ma voiture m’empressant à rentrer chez moi pour raconter sur mon « mur » comment j’ai eu l’échappée belle avec une clique de délinquants qui agressaient les gens dans la rue.
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Je suis né, il y a plus de quarante ans, dans ce quartier. J’ai vécu ici, toute ma vie. J’ai vu nos voisins vendre de la bière, tous les soirs, au marché noir, en toute illégalité, au vu et su de la police qu’ils approvisionnaient, de temps à autre. Le cannabis et les stupéfiants, j’ai vu même des gosses en prendre et fumer et quand d’une over dose, quelqu’un en mourrait, il y avait toujours un moyen pour s’arranger avec le médecin pour qu’il signe l’acte de décès sans mentionner d’anomalies. Heureusement pour moi, je n’ai pas fait de correctionnelle ou de prison. Mon père a veillé à ce que je ne m’enlise pas dans la délinquance ou le crime et en me voyant renvoyé de l’école, il m’a tout de suite récupéré pour l’aider à faire tourner notre épicerie. Je suis marié, depuis plus de dix ans, avec deux gosses à éduquer et protéger de cet entourage pourrit et pourrissant. Etre du coin, depuis toujours, n’a jamais dissuadé les criminels du coin de me voler, à maintes reprises, sous l’emprise de ces poisons qui n’ont daigné en débarrasser l’humanité. En en parlant, une horde de criminels est venu s’installer près de mon épicerie s’attaquant, à longueur de soirée, aux passants, leur extorquant argent et biens. Je connaissais, parfaitement, cette racaille ; ils sont mes voisins de toujours, des exemples illustratifs de la politique de marginalisation sociale, des oubliés des plans quinquennaux de développement et d’encadrement des jeunes des quartiers défavorisés. Un groupe formé, dernièrement, autour d’un évadé de prison, avec encore neuf ans à passer sur douze pour les quels il a été condamné, pour divers crimes. Ce soir, ils n’avaient pas assez d’argent pour s’acheter leur dose de bière avec les comprimés « d’Artane » et il leur manquait de quoi se payer, encore, trois quatre canettes chacun. J’ai vu ce client qui venait faire ses courses, tous les soirs, chez moi, le téléphone à l’oreille, comme il en avait l’habitude quand deux membres du clan l’ont approché. J’ai bien entendu l’échange qu’ils ont eu, autant ils l’ont cherché et provoqué, il avait voulu se débarrasser d’eux avec diplomatie, conscient du danger qu’il encourait, s’il aurait fait autrement. Ils ont perdu tout espoir de le pousser à commettre la faute qui leur donnerait raison de s’en prendre à lui et ils ont décidé de le faire, sans raisons. Il leur avait résisté mais ils ont insisté au point que l’un d’eux a finit par l’étouffer avec son bras et leur chef l’a aidé à le traîner derrière mon épicerie. Je les ai suivit en tentant de les calmer avec quelques mots et face à leur bestialité je n’ai pu que constater avec couardise l’agression d’un pauvre type. Ça m’a rappelé le jour où la police est venu chercher notre voisin qui était accusé de complot contre la sureté de l’état car il avait rassemblé des jeunes autour de lui, usant de son savoir parler, faisant appel à leur foi, pour les convaincre d’arrêter de se droguer et de se tourner vers dieu dans l’espoir de chercher de la consolation et la paix de l’esprit. C’était un simple croyant, pratiquant et altruiste, mais, son bon sens lui a valu la colère des sbires de la république. Le jour où on l’a arraché de chez lui, aussi, je suis resté là planté lâchement, compatissant, insultant l’injustice au fond de moi, fermant ma « gueule » devant ce crime, cet abus, cette bestialité … cette loi du plus fort. Quand l’homme de main du caïd a commencé à étouffer sa proie au point de le rendre incapable de crier, je me suis senti faible, ridicule, moins que rien ! Aujourd’hui je suis capable de dénoncer l’injustice policière, mais, quand le tort est causé par un autre citoyen, il se trouve que je ne suis point plus courageux qu’avant cette fameuse révolution. « Je voudrais te secourir, cher client. Mais, tu n’es qu’un client. Tu as beau venir faire tes courses, chez moi, tous les soirs, mais, en t’aidant ce sont ces bêtes humaines que je me mettrais sur le dos. Malheureusement la justice est aveugle et pourrait ne pas m’atteindre, pour cela, mais, l’injustice a des yeux, des mains, des couteaux, des lames et pourrait même avoir des raisons de s’en prendre à moi si je m’entrepose entre elle et toi ». J’ai tourné une nième fois, honteusement, le dos à un importuné pour retourner servir des éventuels clients, le mal au cœur, la peur au ventre.
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J’ai grandis dans une famille défaite de ce quartier. Mon salop de père nous avait délaissés derrière lui, ma mère et moi, pour aller « brûler » vers l’Italie –j’espère qu’il a pourrit en cours de route-, alors que je n’avais que six ans. J’ai vécu dans ce monde de brutes, toute ma vie, avec la honte de cette mère qui nettoyait la merde des autres pour ramener de quoi nourrir et l’avidité de me faire respecter par cette « sous cité ». J’ai écouté, tous les soirs, ma mère me répéter qu’en travaillant bien à l’école, je finirais par devenir avocat ou médecin et que je vivrais en seigneur et m’achèterais une grande villa donnant sur la grande avenue. Finalement, les moqueries, les sarcasmes … des autres élèves et mon manque de flegme m’ont valu un renvoi définitif de tous les établissements où je pourrais transformer mon rêve maternel en réalité. Contrairement à notre épicier, c’est la rue qui m’avais accueillit quand l’école n’en voulait plus de moi et cette rue m’avais appris à me défendre à coup de poings et pieds, à encaisser les blessures, à éviter les coups de couteaux, à me fondre dans la foule pour faire disparaitre quelques téléphones portables ou portefeuilles jusqu’à ce que mes doigts sont devenus bien trop grands pour y arriver sans qu’on s’en rende compte et que j’ai du changer de mode opératoire et que je commette mes premiers « braquages ». La rue m’avait appris à respecter une seule et unique loi : « la loi du plus fort » et la force prend un autre sens, chez nous. Chez nous, tu peux être le mec le plus musclé sur cette terre, mais, tant que tu n’as pas fait de la prison, tu ne peux être le caïd. Parce que chez nous le respect, aussi, existe, mais, il ressemble beaucoup au respect dans les sociétés mafieuses. En faisant de la correctionnelle, j’ai pu être promu au rang de bras droit du chef de gang des lieux, ce bâtard qui a fuit la prison et qui m’impressionne, il y a quelques semaines. Si on se limitait à la force physique, je pourrais bien l’écraser, comme un cafard, sans aucun effort, mais, il avait cette rage et cette bestialité qui lui permettaient de commettre ce que jamais je n’oserais ; Ce mec a déjà poignardé un homme au risque de le tuer. Ce soir nous avions besoin d’argent pour quelques canettes, en plus. Ce morveux n’aurais jamais du résiste ; Pourquoi faut il toujours qu’on utilise la manière forte ? « Laisse nous prendre ton fric et dégage ! ». Je l’étouffais avec mon bras et il a commencé à hurler. Je n’avais point le choix, il fallait le faire taire ; J’ai porté sa main à sa gorge et j’ai serré fort son larynx en le tirant vers l’avant quand sa voix a commencé à s’étouffer. Il a commencé à gigoter et j’ai serré encore plus fort. Je ne sais pas qui de nos deux cœurs battait le plus, mais, j’avais presque autant peur que lui. Je devais obéir à notre chef si je ne voulais m’attirer ses foudres, mais, je n’avais le cran de tuer, pas maintenant ! Finalement notre assailli s’était résolu à arrêter de résister et nous étions capable de lui prendre son téléphone. C’était un vieux modèle pourrit à deux balles, c’était loin de nous payer, même, une bouteille d’eau. Je suis sidéré qu’une personne risque sa vie pour un truc aussi bête et ça me dégoute de savoir que j’aurais pu tuer quelqu’un pour rien. Mon associé a balancé en l’air le butin médiocre et j’ai foutu un grand coup de pied au cul du connard qui aurait pu me valoir la corde au coup : « Du vent, sale merde ! Je ne veux plus te voir roder par ici sinon je te ferais la peau, la prochaine fois ! Gros con va ! Si j’avais un tels téléphone, à ta place, j’aurais honte de l’utiliser en public !». Mon associé a remarqué que je tremblais. Je lui ai fait croire que la merde qu’on a attrapée m’a tellement énervé et que j’avais besoin d’un joint pour retrouver mon calme. En réalité j’avais une montée d’adrénaline et quand je regardais l’autre avec son sang froid comme si de rien était, je comprenais pourquoi c’était lui le chef, pourquoi s’était lui qui dictait les ordres ; Il était différent, il n’avait aucune peur, aucune limite, aucun scrupule et il ne reculait devant rien.
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Je suis le fils illégitime d’une ex prostitué de ce quartier. Mon père, il pourrait être n’importe quel homme de ce coin du monde. Toute mon enfance je l’ai passé à les voir passer chez nous, aller dans la chambre à coucher, avec ma mère, en me foutant une grande gifle sur la joue pour m’avertir de ne pas venir les déranger. Je me rappelle qu’une fois ma mère a commencé à crier. Je suis allé la voir dans sa chambre et j’ai vu cette brute lui cogner dessus à grand coup de poings. Elle avait sa nuisette à moitié déchirée, le nez en sang, les cheveux arrachée, essayant de protéger son visage et en voulant lui venir en aide j’ai finit par me faire tabasser par cet enragé. Deux jours après, je suis allé lui rendre visite au garage où il y travaillait comme mécanicien. Profitant de l’instant où il était au dessous d’une bagnole, je me suis saisi d’une clé anglaise et j’ai frappé. En sursautant, il s’était cogné la tête contre la voiture et il a perdu conscience, mais moi, j’ai continué à frapper … La soirée a été longue au poste de police, ainsi que les mois passé à la correctionnelle. Les enfants, qui y étaient, n’avaient rien à voir avec les autres racailles de mon quartier ; Ceux là étaient, de loin, plus violents … je l’ai su à mon propre péril. Quand je suis sorti, je me suis fondé mon propre groupe de racailles ; Je n’ai pas eu de père pour me donner son nom et j’ai donné le mien à ces enfants sans que je ne sois le leur. J’ai appris à prendre tout ce que je voulais, par la force, même le plaisir. Et en violant cette saleté de poufiasse, j’ai écopé de douze ans de prison ferme. La prison c’est différent de la correctionnelle et on peut très rapidement devenir victime du même crime pour lequel on y a été conduit. En trois ans, je me suis débarrasser, définitivement, de toute forme d’humanité et le seul sentiment que j’éprouve est la haine. Le peuple s’est soulevé dans les rues pour se libérer et j’en ai profité pour retrouver l’air frais et mon quartier. Ici, tout le monde sait que je me suis fait la belle et personne n’ose me dénoncer. Ici, les gens avaient peur de nous et du système et aujourd’hui la démocratie de la peur avait cédé sa place à une monarchie dont je suis un illustre leader. J’ai vu de loin ce couillon qui parlait au téléphone, insoucieux de ma présence ; Il avait presque mon âge, il habitait mon quartier, il était habillé comme moi, mais, nous n’avons eu le même destin ! Je l’ai approché en le provocant et il a juste glissé son téléphone dans sa poche en essayant, comme une fillette, de se la jouer diplomate en me rappelant qu’il était du coin. J’ai poussé le bouchon plus loin, avec lui, mais, il a continué à faire sa pute et à ne pas répondre à mes provocations. Ça m’a mis hors de moi et d’un hochement de tête j’ai fait comprendre à mon subordonné qu’il devait intervenir. « Arrête de crier pétasse sinon je te baise ! Enlève ta main de là, fils de pute ! Prends ça sale pédé, encaisse ! ». Je savais qu’il ne tiendrait pas trop avec un colosse qui était prêt à lui tordre le cou et moi qui lui donnait des coups au ventre. J’allais sortir mon couteau et le lui enfoncer quelque par, mais, il a finit par céder et en passant ma main dans sa poche, tout ce que j’ai trouvé c’était un téléphone de bas de gamme, tellement usé que les chiffres étaient effacés. « Putain ! Que du gâchis ! C’est ça ta fortune, enculé ?! Regarde ce que j’en fout, moi !» lui ai-je crié en me débarrassant de son jouet. Ce mec était content juste avant que je ne m’en prenne à lui, et pourtant, il n’avait rien de plus que moi pour l’être. Son bonheur m’irritait, et en le voyant terrorisé, prendre la fuite, j’exalte. Je me suis tourné vers ma bande ; quelques adolescents, bien bâtis, que j’arrive toujours à impressionner, du moins jusqu’à ce que l’un d’eux passe par la case prison et qu’il ne me détrône. Mon homme de main avait peur, je le voyais dans ses yeux, mais, s’il était allé jusqu’au bout, ce soir, il aurait pu devenir le nouveau maître des lieux. Des trouillards, voilà ce qu’ils sont, et même s’ils jouent les durs et qu’ils savent se battre, il leur manquera cette apathie qui fera d’eux des vrais guerriers. Comme dans une guerre psychologique je lui ai demandé pourquoi il tremblait en lui montrant que cette expérience ne m’a, en rien, affecté. Ceci l’a poussé à se mettre sur la défensive et m’a permis de lui montrer en quoi je le dépasse et pourquoi c’est moi qui tien les rennes.
Je marchais dans cette rue que je fréquente, tous les soirs, depuis plus de trois ans quand mon téléphone s’était mis à sonner. Quand j’ai vu le numéro j’ai décroché, le sourire au bout des lèvres :
- Salut, ma belle
- Salut, mon beau gosse. Que fais tu de beau ?
- Ben, je suis dans la rue, en bas de chez moi, je vais chercher une brique de lait et des trucs à grignoter pour le petit déjeuner.
- Gourmand, va ! Et pourtant, ça ne se voit pas.
- T’inquiète, je ne te mangerais pas … peut être bien un petit morceau.
Soudainement, notre conversation fût interrompue quand une horde de voyous a pris ma direction en me criant :
- Regardez moi ce trou de cul, comment il parle au téléphone
- Je dois te laisser, chérie. Je te rappelle ! Salut les mecs, je peux vous aider ?
- Pourquoi t’as continué à parler au téléphone alors que je te causais, gros con ?
- Je n’ai pas fait attention et dès que ce fût le cas, j’ai raccroché.
- Je suis invisible, tu veux dire ? Une vermine, peut être ! Pourquoi tu nous méprises.
- Je vous ai dis que je suis désolé les mecs. Je ne mépriserais jamais mes voisins, voyons !
- Pourquoi, t’es du quartier toi ?
- Oui ! Demandez à l’épicier. Dites leur que je suis du coin, Mr.
- Quoi ? ça ne te suffit pas de nous ignorer et maintenant tu veux nous intimider en appelant l’épicier ?
- Mais pourquoi vous sous entendez ça ? C’est juste un mal entendu !
- Traite moi de fou, tant que t’y es ! Tu sais quoi, je vais t’en faire apprendre des bonnes manières, moi ! Donne ton téléphone, fils d’enculé, comme ça t’apprendra à faire attention aux autres quand ils te causeront dans la rue !
- Mais lâchez-moi ! à l’aide ! à l’aide !
- Ferme ta gueule et arrête de faire ta pute !
- Au secours ! laissez mo…. ghrghrghrghrghrghr
Alors que mon interlocuteur tentait, par la force, de passer sa main dans la poche avant de mon pantalon, un autre me forçait le cou en m’étouffant. J’ai perdu ma voix, j’ai manqué d’air, ma vue était devenue trouble, mais, cela ne m’a empêché de voir l’épicier du coin se tenir debout me regardant avec une passivité révoltante. Je savais qu’il n’était pas le seul à avoir entendu mes cris en faisant comme si ce n’était le cas. Si j’aurais été tué, ce soir, ce ne serait pas par étouffement ou sous l’impact des coups que j’aurais encaissé, mais, c’est cette indifférence, cette passivité, ce laisser faire face à l’injustice et au crime qui m'auraient tué. Faudrait il une seconde, troisième, quatrième, nième révolution pour que mes compatriotes apprennent le sens du civisme ? Je ne pouvais avoir de réponses à toutes les questions qui me passaient par la tête et je commençais à perdre conscience. Je ne pouvais résister, encore plus, et mes agresseurs ont pu me soutirer mon téléphone qui leur a, tout de suite, déplu. Quand ils m’ont relâché j’ai couru, j’ai pris la fuite et les gens ont continué à me suivre des yeux. Je suis allé chercher des amis pour retourner demander des explications à cette bande d’agresseurs, mais, ils n’étaient là. J’ai approché l’épicier pour lui demander s’il les connaissait, sans le reconnaitre, il s’est trahit en l’affirmant à moitié. Je lui ai demandé des noms et il m’a répondu que s’il le faisait, ce serait lui la prochaine victime. Mes amis lui ont parlé de principes et il a lâchement rétorqué qu’ici, il n’y a point de principes. Je voulais rentrer chez moi, prendre ma voiture et squatter les ruelles du coin et, si je trouverais mes agresseurs, leur rentrer dedans … Me faire justice moi-même, puisqu’ici cela semble se passer de la sorte, depuis toujours. La révolution Tunisienne semble nous avoir débarrassé de têtes corrompues, mais, les raisons de leur corruption semblent subsister ; Cette acceptation, justification et complicité dans l’injustice, du peuple, me parait plus dangereuse qu’une clique de voleurs de la république. Ils ont agit avec bestialité, mais, ici c’est carrément une forêt. Ils ont violé les lois car ils en avaient le pouvoir alors qu’on le fait, tous les jours, avec préméditation. J’ai damné cette révolution car elle n’a rien changé, dans mon quotidien ; Avant, mes agresseurs avaient un ministère et portaient des uniformes, aujourd’hui, ils sont partout et se fondent, facilement, dans la foule qui les encourage avec sa passivité et sa lâcheté. Il se trouve que j’ai une conscience, une raison et un bon sens qui m’empêchent de me rabaisser au niveau des bas fonds de la société, de la racaille et des marginaux. J’ai essayé, tant bien que mal, de dormir, ce soir là. Le lendemain, je suis allé voir un médecin pour obtenir un certificat d’expertise médicale attestant les blessures que j’ai subit, puis, la police pour déposer une plainte contre « x » comme tout bon citoyen, respectueux des loi, ferait ...